Voici pourquoi je n’ai pas dessiné « Spirou ».

Franquin m'a rendu un grand service !

Ah Bonjour tout le monde !

On m’a souvent demandé pourquoi, avec le style de dessin que j’ai (l’école de Marcinelle), je n’avais pas dessiné les aventures de Spirou et Fantasio quand on a su que le grand André Franquin, après “Panade à Champignac et “Bravo les Brothers”, arrêtait l’animation – dessins et scénarios – de ses formidables personnages après une vingtaine d’albums, où au fil du temps, il leur avait donné un sacré caractère !

Sans parler de l’environnement et l’entourage progressif d’une volée de personnages extraordinaires.

Je cite, entre autres, le comte de Champignac, amateur de champignons dans ses recherches, formidables savants.

Ainsi que le maire bourgmestre de Champignac et ses inénarrables discours… Et tout son personnel, dont Monsieur Dupilon, le secrétaire communal perpétuellement rond comme une queue de poelle.

Le cousin de Fantasio, le fourbe Zantafio. Sans oublier le terrible zorglub et ses Zorglommes, anciens confrères de Monsieur le Comte de Champignac, rêvant de devenir le maître du monde, sans oublier le plus bel animal de la BD, le Marsupilami !

Ici, j’arrête, car il y aurait moyen de remplir des pages tant “Spirou et Fantasio” est riche en trouvailles, en prises de positions antimilitaristes et surtout de poésie.

Voilà, c’était en vrac… C’est donc “tout cela” que Franquin arrêtait à la grande tristesse, bien qu’il avait prévenu depuis longtemps Monsieur Charles Dupuy, notre éditeur sympathique !

Bien sûr, Franquin, ne quittait pas le journal Spirou, mais il avait d’autres projets : Gaston Lagaffe avec l’ami Jidéhem.

Et bien d’autres choses, Les idées noires… Oui, comme le disait Maurice Tillieux, André a trouvé le moyen de rentabiliser sa déprime !

Il est vrai que Franquin, pendant plus ou moins huit ans, a souffert de dépression nerveuse due, entre autres, à un surplus énorme de travail, week-end compris !

Les aventures de Spirou, terminées la semaine suivante, une autre commençait, à une cadence de 60 pages par épisode plus les animations dans le journal !

Quant à moi, je travaillais dans l’atelier de et avec Peyo sur ses célèbres Schtroumpfs et même Johan et Pirlouit.

J’étais sur un épisode de Benoît Brisefer, l’album “le Cirque Bodoni”. Aidé vers la fin de cet épisode par mon grand ami Marc Wasterlain, formidable créateur de bande dessinée en tout genre.

À l’époque, ce n’était pas courant, mais il y avait parfois en fin de semaine, des séances de dédicaces dans des écoles, des librairies, des grands magasins, comme l’Innovation à Bruxelles avant son incendie.

Et un de ces jours-là, un vendredi, André Franquin était venu me chercher chez Peyo (ils étaient très amis) pour l’accompagner dans une animation “fancy-fair” à Bruxelles au Château Malou pour trois ou quatre heures de dédicaces avec lui.

C’était un réel plaisir pour moi, cet homme qui m’avait fait rêver durant mon enfance.

Et au retour dans sa Citroën DS Palace vingt-et-un avec laquelle il allait me déposer à la gare centrale pour mon retour à Liège, juste avant de s’arrêter, il me saisit par le bras : “Je dois te dire quelque chose, François”.

“Tu sais que chez Dupuis, ils ont dressé une liste d’une vingtaine de noms de dessinateurs susceptibles de reprendre Spirou après moi”.

Moi interloqué : “Non, je ne le savais pas, André”.

“Bon, tu es dans cette liste et c’est moi qui ai barré ton nom” !

J’en étais surpris car je n’y avais même pas pensé. Ni même fait des essais comme beaucoup d’autres en avaient fait.

André continua : “J’ai vu à la rédaction Spirou que tu rentrais de temps en temps des planches avec une petite hôtesse de l’air, c’est très bien” !

“Si tu dessines Spirou, jamais tu ne feras ton hôtesse de l’air, qui est ta création, tu n’auras pas le temps” !

“Pour Benoît Brisefer, que tu dessines pour Pierre (Peyo), c’est une reprise” !

“Moi, Spirou est une reprise aussi et m’a empêché de faire d’autres choses”.

“Tu seras bien plus heureux avec ta création”.

J’en étais “baba”, et je l’ai remercié des tas de fois depuis, il avait raison. C’est plus gratifiant. Bien que Jean-Claude Fournier, qui avait fait une dizaine d’albums de Spirou, m’a dit que cela rapportait parfois. haha

André m’a rendu un grand service en me retirant de cette liste.

Merci Saint André !

Quelques dessins et images